Le cancre est là

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Mozilla, tu fous quoi ?

27/05/2015 - 7 commentaires

Aaaaaah, Mozilla. Et ton navigateur phare : Firefox.


Téléchargez Firefox


À lire pléthore d'articles, tu commences à faire de la merde. HTTPS obligatoire, signature obligatoire des extensions, la publicité, etc. Que de mauvais choix, de l'avis général. Enfin, de l'avis général de personnes qui ne contribuent pas, principalement.

Mozilla, ta fondation à but non-lucratif prend une mauvaise tournure. Mettons de côté les histoires de pognon, on s'en fout du pognon, non ? Après tout, tes développeurs peuvent travailler gratuitement, et faire la manche dans le métro en rentrant du boulot, c'est ça l'implication, c'est ça la dévotion, c'est ça le LIBRE que diable ! On s'en fout de la monnaie lorsqu'on veut changer le monde, c'est bien connu. C'est d'ailleurs pour ça que la principale préoccupation de chacun, c'est le fric et que le monde ne change pas, non ?

À moins que...

Ah oui, pour faire de la qualité, il faut travailler, et le travail se paye. En plus, tu as une certaine vision du travail, une certaine politique sociale, parce que changer le monde, c'est commencer par se changer soi-même. Et dans un monde capitaliste, c'est très dur de ménager la chèvre et le chou, je sais. C'est le problème que rencontre chaque militant que veut changer les choses sans passer non plus sur le fait de vivre sa vie.

Ton gros problème, Mozilla, c'est qu'une des pages les moins visitées doit être celle-ci. Combien de tes utilisateurs ont un compte pour donner leur avis sur ta plate-forme dédiée à cet usage ? Combien se sont inscrits à ta communauté ? Combien ont donné un peu d'argent ? Combien ont compris qu'un logiciel gratuit ne se fait pas sur du travail gratuit ? Combien se disent "que puis-je faire pour aider" ?

Combien de tes concurrents ouvre aussi facilement leur code source ? Aucun, évidemment. Combien de tes concurrents font de la pub pour leur navigateur ? Tous. Or l'esprit d'un navigateur ne peut se répandre que s'il est utilisé. C'est bien beau d'avoir une belle philosophie, mais si c'est pour que ça intéresse 3 clampins dans leur coin, ça ne changera jamais le monde. Car pour faire un monde plus libre et ouvert, il faut que les internautes soient libres, et ça ne peut se faire qu'avec un navigateur populaire et répandu. Et donc en trouvant un moyen de contrer les attaques de concurrents.

Mais tu es coupable, Mozilla. Coupable de cette vision. Même si, dans toute ton histoire et à chaque fois que tu as pris une décision controversée tout le monde disait "ça va finir comme ça", et que ça ne s'est jamais fini "comme ça".

Parce que tu restes farouchement accrochée à tes valeurs, ces valeurs qui devraient être les nôtres chaque jour.

Firefox est le meilleur navigateur que nous ayons. Il n'y a aucun doute là dessus. C'est un navigateur avec lequel nous sommes et restons libres. C'est le navigateur le plus avancé dont nous disposions sur ces critères.

Mais Mozilla, je vais te dire. Dans toute cette histoire et ce shitstorm qui se lève, c'est certainement moi le coupable. Sur tous ces sujets, je n'ai quasiment rien dit. J'attendais de voir. Je savais bien qu'il y avait quelque chose, mais je n'arrivai pas à mettre la main dessus. En fait, le problème, c'est que je ne me suis pas posé la question de savoir "comment faire pour que ça change ?". Pas une seconde. D'autres s'en chargent, après tout.

Or, et c'est bien là une de tes valeurs, Firefox (et tous les autres produits) ce n'est pas que toi, Mozilla. C'est nous tous. Ce navigateur est un bien commun, que tu défends avec les moyens que tu as, les moyens dont tu disposes dans un monde capitaliste.

Alors c'est peut-être à nous de faire notre part du boulot, en définitive. En contribuant, en installant Firefox partout, en expliquant pourquoi c'est bien non seulement comme logiciel mais comme esprit derrière le logiciel. En expliquant pourquoi, avec ce navigateur, l'internaute est plus en sécurité et dans le respect de sa vie privée qu'avec n'importe lequel autre. Pourquoi c'est important d'utiliser Firefox tout le temps. Et peut-être même donner un peu d'argent. Parce que si les 300 millions d'utilisateurs donnaient 10€ par an, tu n'aurais plus besoin de partenariat avec des entreprises dangereuses, tu n'aurais plus besoin de pub, plus besoin de prendre des décisions controversées pour continuer le combat.

Alors Mozilla, merci. Et continue comme ça. Parce que sans toi, nous n'aurions pas tous ces beaux et bons logiciels gratuits et libres qui nous aident à nous battre pour un meilleur monde numérique. Et pas seulement numérique d'ailleurs.

Ne change rien, c'est à nous de venir te soutenir.

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Où est Charlie ?

08/01/2015 - Commentaires fermés



Le 7 Janvier 2015, ça a été une journée de merde.

Je ne suis pas républicain, mais j'aurai attendu que les drapeaux ne soient plus en berne pour publier cet article. Et croyez moi, ça a été dur de tenir jusque là, la "période de décence" ne servant qu'à entériner un discours dominant qui marquera l'Histoire en gommant les autres, les divergences. Une "période de décence" concernant Charlie Hebdo, c'est quand même un comble. Et pourtant, ils ont été nombreux, ces "Charlie", à matraquer la moindre personne qui ne rentrait pas dans le rang, qui n'avait pas le bon discours, à balancer des "ta gueule" en guise de défense de la liberté d'expression.

Une journée de merde, oui. C'est le plombier qu'on avait appelé dans l'entreprise où je travaille qui l'a dit. Rien à voir avec l'attentat au siège de Charlie Hebdo hein. C'est juste qu'à 11h45, il se prenait une décharge de merde dans la gueule pendant que j'essayais de répondre à mon mobile sur lequel mon père m'appelait pour m'annoncer l'attentat. Comme quoi, les coïncidences...

J'ai attendu avant de publier ce billet parce qu'il est difficile d'avoir un discours différent dans des moments aussi intenses. Et que personne ne me demandait de me prononcer, contrairement à tous les musulmans de France et de Navarre à qui on ordonnait de prendre position. Des fois qu'on soit entouré de 5 millions d'ennemis sans le savoir, j'imagine. J'ai attendu parce que l'émotion est intense, mais que désormais l'émotion doit laisser la place à la réflexion. Et qu'il est largement temps d'arrêter les conneries.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il me semble important de préciser quelques petites choses. Bien évidemment, je suis horrifié et choqué par ce qui est arrivé. Je soutiens à 100% les familles et proches des victimes ainsi que les personnes survivantes dont certaines devront vivre avec un lourd poids, qui n'est pourtant pas de leur fait, ni de leur faute, ni de leur responsabilité, sur les épaules. Leur mort est absurde et horrible. Mais cette horreur ne doit en aucun cas nous couper de la critique, de l'analyse et de la réflexion. Et c'est ce dernier exercice dont il sera question ici.

De plus, je soutiens tout autant, si ce n'est plus, les personnes de confession musulmane qui subissent et vont continuer du subir une islamophobie débridée, les amalgames, les récupérations haineuses et qui vont et sont déjà la cible d'actes haineux, stupides et tout aussi absurdes que les actes perpétrés par les terroristes. Je pense aussi à toutes ces personnes qui n'ont pas la chance de faire "bien blanc fréquentable" qui subiront tout autant ces actes et propos ignobles. Je soutiens tout autant les personnes de confession juive qui sont victimes d'actes et propos d'un antisémitisme débridé.

Si vous êtes encore dans l'émotion, dans le ressenti, dans le choc, je ne peux que vous conseiller d'arrêter ici votre lecture, et de revenir plus tard, l'esprit plus libre, plus posé, ce billet ne bougera pas tout de suite.

Maintenant que les choses sont posées, nous pouvons commencer à rétablir quelques vérités, plus symboliques que factuelles.



Pour commencer, il me semble qu'on a commencé par se poser la mauvaise question. "Que veulent les terroristes ?". Le simple fait de se poser cette question n'est-elle pas un aveu d'échec ? Car, s'il est déjà délicat de prétendre connaître les motivations profondes d'un ennemi, le sous-entendu de la réponse est d'autant plus périlleux. En effet, en posant cette question, généralement dans un contexte de ne pas se conformer à la volonté de ces individus, on se définit par rapport à eux, on déterminera si une action est bonne ou mauvaise en fonction de leur volonté supposée. Pire, on cherchera instinctivement à faire l'inverse de ce qu'ils voudraient, leur conférant ainsi un grand pouvoir, celui de nous diriger, en tant que société, en négatif.

Honnêtement, je me fous de ce qu'ils veulent. Je me fous de savoir si, oui ou non, ce que je fais leur plais ou pas, les aide ou pas. La question qu'on devrait se poser, tous, sans exception, c'est "que voulons-nous, nous ?". Comment nous définissons-nous, en tant que société ? En tant que peuple ? Comment voulons-nous vivre ? Quelles sont nos valeurs ? Point.

Les valeurs que prétendent défendre tous ceux qui seraient "Charlie" aujourd'hui sont apparemment la liberté, le vivre ensemble, l'antiracisme. Pourtant, ils érigent en parangon de vertu un journal qui a fait son beurre sur l'oppression, ou, à tout le moins, sur la complicité de l'oppression. La satire, ce n'est pas taper sur tout le monde indifféremment, c'est taper sur le pouvoir en place, tourner en dérision un système, pour faire avancer la société. Taper indifféremment sur tout le monde, au motif que ce serait plus "égal", c'est contribuer à faire perdurer les oppressions, car on tape déjà sur des populations opprimées. Et on ne fait rien avancer. Et c'est ça, qu'était Charlie Hebdo, au moins depuis sa renaissance par Philippe Val en 1992 (la dérive sera lente mais certaine). Oui, Charlie Hebdo était raciste, oui Charlie Hebdo était sexiste, homophobe et islamophobe, pour ces raisons. Mais non, personne ne méritait la mort pour cela.

On veut nous faire croire que c'est la liberté d'expression qui a été attaquée. Rien n'est moins faux, les Zemmour, Houellebecq et autres haineux continueront d'être invités sur les plateaux télé, sans être inquiétés, désavoués ou mis face à leurs mensonges éhontés. Ils continueront de déverser leur haine, soyez-en certains, et demain plus que jamais. Car ce ne sont pas les terroristes qui menacent la liberté d'expression, mais la Loi. Seule la Loi peut limiter les libertés, et de ce point de vue, cela fait des dizaines d'années que nous perdons du terrain, dans l'indifférence quasi-générale. Où étaient tous les Charlie pendant SOPA, ACTA, la Loi sur la Programmation Militaire ? Combien de "Charlie" défendent le régime de la garde à vue ? Combien de "Charlie" usent du terme "droitdelhommiste" comme d'une insulte ? Combien de "Charlie" trouvent dégueulasse que la pire des raclures ait le droit à un avocat ? Combien de "Charlie" s'élèveront contre les lois liberticides à venir ?

Quelques imbéciles, refusant toute culture politique, appellent à s'en prendre à la cause du terrorisme... en s'en prenant aux pauvres et aux "sous-éduqués". Bien sûr, ces abrutis sont applaudis par d'autres abrutis désireux de conserver leurs privilèges et leur mode de vie. La cause du terrorisme, c'est principalement l'impérialisme, ce sont ces pays qui en envahissent et en attaquent d'autres pour leur prendre leurs ressources sous couvert d'y apporter la liberté et la démocratie. Avec le succès qu'on connaît. L'impérialisme crée 2 types de terroristes : ceux qui sont victimes de l'impérialisme, et ceux qui le défendent. Ces pays impérialistes, ce sont les USA, la France, l'Allemagne, Israël, le Royaume Uni, la Russie, etc. Sauf que pour remettre en cause l'impérialisme, encore faudrait-il en avoir conscience et donc accepter à la fois d'avoir une culture politique et aussi de remettre en cause notre société. Alors qu'il est tellement facile de s'en prendre à une frange de la population, les pauvres, pour changer. C'est tellement pratique d'oublier que, non, tous les terroristes ne viennent pas d'un environnement pauvre, qu'ils ne viennent pas tous de familles "défavorisées", qu'ils ne défendent pas tous une vision très particulière de l'Islam. J'en veux pour preuve Anders Breivik, qu'on oublie bien facilement et qui fit 77 morts. Enfin, lui, je suppose que ça compte pas, n'est-ce pas ? Après tout, les terroristes, ils sont pauvres, sous-éduqués, défendent l'Islam, n'est-ce pas ?

Il est, de plus, une distance absurde qui est mise entre les terroristes et nous-même. "Barbares", "monstres", voici comment ils sont qualifiés. Comment qualifier, alors, une société qui laisse des centaines de personnes mourir dans la rue de maladie, de froid, alors qu'elle a largement les moyens de l'éviter ? Comment qualifier une société où des centaines de milliers de personnes manifestent dans la rue contre une orientation sexuelle, contre une ouverture de droits à une partie oubliée de la population ? Comment qualifier une société où de jeunes trans* se suicident en raison de la violence qui est, pour elles et eux, la société d'aujourd'hui ? Comment qualifier une société qui remplace le mot "solidarité" par "assistanat" ? Comment qualifier une société qui surveille sa population sans contrôle d'un juge ? Comment qualifier une société qui vend des armes et des moyens de surveillance aux pires dictatures ? Comment qualifier une société qui ne considère pas le jet d'une grenade dans un kebab "d'attentat" ? Comment qualifier une société où une femme ministre noire est décrite comme étant une guenon ? Comment qualifier une société dont le premier ministre se laisse aller au pire racisme envers les Rroms ? Barbares, monstres, voici ce que nous sommes aussi.

Ce Dimanche est organisée une "marche républicaine". On vous promet qu'il n'y aura pas de récupération, bien évidemment. Mais organiser une marche républicaine pour des personnes qui se définissaient comme anarchistes, c'est déjà une récupération. Et comment ne pas qualifier de "récupération" l'organisation de cette marche ? Avec les partis politiques en tête et les journalistes et syndicats de journalistes DERRIÈRE eux ? Avec Netanyahou à sa tête, le grand boucher de la Palestine. Pas de récupération politique, vous dit-on. Et puisque l'émotion est tellement intense, l'esprit critique est en veille, s'il n'a jamais vraiment fonctionné. Unité nationale abrutissante, pour un journal qui, somme toute, défendait aussi l'anticonformisme. Ah, il est beau, "l'hommage".

Mais maintenant, que faire ? Je n'ai pas de solution absolue, mais il serait intéressant de prendre des positions fortes qui défendent les valeurs auxquelles nous devrions tous être attachés. Peut-être est-ce à nous d'aller vers nos concitoyens musulmans et leur dire "nous savons que vous n'avez rien à voir avec ces attentats". Peut-être qu'autant de personnes devrait défiler dans la rue chaque fois qu'on réduit une liberté. Peut-être que nous devrions mettre fin au capitalisme, source des terroristes. Peut-être que nous devrions arrêter d'avoir cette image du "vivre ensemble" qui ne serait qu'entre-soi. Peut-être que nous devrions cesser d'avoir peur des autres. Peut-être que nous devrions réellement défendre les mêmes droits pour toutes et tous plutôt que de continuer le deux poids deux mesures.

Tout bien réfléchit, oubliez ça. Ce n'est pas ce que nous devrions "peut-être" faire. C'est une nécessité.

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Crédits photos

Sylvain Collet
Kanichat

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