Le cancre est là

Sarcasm is just one more service I offer.

# - @ - Merome - 26/03/2014 à 10:17:18

Ces 2 derniers commentaires sont déjà bien plus raisonnés.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'élection porte en elle le problème. A cause de la campagne, bien sûr, mais pas seulement. Un élu se sentira investi d'un pouvoir qui le place de fait au-dessus des autres citoyens, il n'est pas son égal politique. Par définition, ce n'est déjà plus de la démocratie.

Une fois qu'on aura mis tous les garde-fous sur lesquels nous semblons être d'accord (mandats court, non renouvelables, révocables...), est-ce qu'il y aura encore des candidats ?

L'argument de la compétence s'efface devant ceux du conflit d'intérêt et de la représentativité.
Tout compétent qu'un élu peut être (ce qui reste à démontrer, au demeurant, on a des tas de contre exemples), il ne PEUT PAS être à la place (du chômeur, du jeune, de l'ouvrier, de la femme... toutes ces catégories sous représentées dans les assemblées élues). Et parce qu'il est élu, et donc au-dessus des citoyens, il peut (et il va, quelle que soit son honnêteté) profiter de sa situation de supériorité.

Mieux vaut un incompétent "représentatif" et se sachant égal aux autres, qu'un compétent supérieur et "non représentatif". Le droit qu'il produira sera meilleur, surtout une fois qu'on a mis en perspective l'ensemble des tirés au sort sur une longue période.

Les problèmes sociaux, économiques, écologiques, financiers actuels, ne sont que la projection des fantasmes des assemblées "supérieures" et non représentatives qu'on connait depuis des décennies.

# - @ - Le cancre - 26/03/2014 à 09:45:02

Enfin du coup, on est environ d'accord sur ce que doit être un élu/représentant/mandaté et la nature de son mandat et des contre-pouvoirs à mettre en place. On n'est juste pas d'accord sur les modalités de scrutin.

Ça me paraît déjà une bonne base de discussion, asseyons-nous autour d'une table :p

# - @ - Le cancre - 26/03/2014 à 09:41:21

Pour le coup du "hors sujet", comme c'est MON sujet, je décide un peu de ce qui est dedans et de ce qui est dehors :p

Le fait est que le citoyen athénien pouvait se consacrer entièrement à la Cité parce qu'il disposait d'esclaves qui effectuaient le travail. Le démocratie repose en grande partie sur la capacité du citoyen à pouvoir s'impliquer dans la "vie publique". C'est pourquoi l'esclavage est un des garants du bon fonctionnement de la démocratie athénienne. C'est donc loin d'être hors sujet.

Seuls les citoyens athéniens étaient autorisés à posséder des terres et, plus globalement, accédaient à la propriété privée. Cette possession était liée au statut de citoyen, ce qui forçait évidemment à limiter leur nombre. Qu'on augmente le nombre de citoyen, et la part des terres de chaque citoyenn diminuait. Le démocratie athénienne est une démocratie de privilèges, c'était le sens de ma phrase. Et prendre comme exemple une démocratie de privilèges pour forger "notre" démocratie, je trouve ça pas top.

Il est très étrange que ceux qui se professionnalisaient aient voté pour une déprofessionnalisation de la politique, au moment où, justement, naissait une petite bourgeoisie qui commençait à devenir gênante. Que la raison "officielle" n'ait pas été "on veut freiner la petite bourgeoisie", ça je veux bien le croire.

Je ne dis pas que Montesquieu n'était pas un démocrate, ce n'est pas le propos. Je dis simplement que l'idéal qu'il défend, c'est l'alliance de l'aristocratie et de la bourgeoisie pour limiter les désirs du peuple. Partant de cela, citer un tout petit bout de Montesquieu pour le montrer comme un démocrate défenseur des intérêts du peuple est un contre-sens historique. Mettre les mots en accord avec leur sens nécessite de les contextualiser. Je ne fais que rappeler le contexte de Montesquieu. Bien évidemment, rien n'empêche de citer Montesquieu, qui défend au demeurant de bonnes thèses, mais une citation doit être contextualisée, afin d'éviter tout contre-sens. C'est comme la fameuse phrase "la France ne peut accueillir toute la misère du monde". Le contexte (et la citation complète) donne une signification absolument différente que si on met simplement "les mots en concordance avec leur définition". Contexte is EVERYTHING.

Ceci étant posé, vient le gros du sujet...

On aurait donc des exécutants, dont le mandat serait révocable, dont les actions seraient jugées à la fin du mandat, et toute loi serait soumise au vote des citoyens avant d'être promulguée. Jusque là, je suis d'accord.

Pourquoi les tirer au sort ? De fait, ça marche tout aussi bien si on élit quelqu'un pour effectuer ce mandat.

J'ai un gros problème avec cette phrase : "Le fait d'être mandaté pour de petits projets, de travailler en groupe, d'être soutenu quand le travail est bien fait, d'avoir foi en l'idée que l'on veut mettre en place ... tout cela facilite le volontariat." => si c'est un simple exécutant, en quoi devrait-il avoir une idée à mettre en place ? Je veux dire, si le volontariat est encouragé par "ouais, j'ai une idée, je vais pouvoir la mettre en place", on sort du statut d'exécutant pour aller vers un statut de chef de projet... Or c'est bien ce qu'on est censé éviter, non ?

J'ai aussi un gros problème avec ça : "ceux-ci devront se renseigner auprès de juristes de tout bord, d'experts de tout bord, de lobbies de tout bord, ... avant d'écrire leurs articles de loi." => donc on devrait reconnaître que des gens issus du peuple ont besoin d'experts pour écrire des Lois, comprendre le travail législatif, etc. Bien, pourquoi pas, admettons.
"Ces articles seront alors soumis à référendum populaire afin de les valider ou non." => donc ce même peuple, incapable de comprendre et d'effectuer seul le travail législatif, serait apte à juger si un texte de loi est assez bon ou pas ? De deux choses l'une, et il va falloir choisir : soit le peuple est apte à effectuer le travail législatif et dans ce cas il n'a aucun devoir de consulter des "experts" et lobbies, soit il est inapte et dans ce cas on ne changera pas grand chose au système actuel : le peuple écoutera les "experts", boira leurs paroles et effectuera ce qu'ils veulent.

J'entends, bien sûr, l'argument de la campagne. Mais avec le système de mandat court et révocable, le système de campagne sera réévalué en profondeur.

Après, je ne suis pas contre le tirage au sort en soi, pour des choses bien spécifiques, comme c'est le cas pour un jury d'assises. On pourrait même mettre en place un système où les "lois citoyennes" seraient défendues, etc. par des citoyens volontaires et défenseurs du projet tirés au sort. Je ne suis bien évidemment pas fermé à tout tirage au sort. On peut aussi imaginer une Constitution rédigée en partie par des élus directs et en partie par des citoyens tirés au sort.

Je suis en revanche profondément sceptique sur sa généralisation, et c'est ce qui est proposé dans beaucoup de documents que j'ai lu.

Quant à l'éducation populaire, s'ils n'en ont pas voulu, c'est que ça les gêne ;)

Et attention à ne pas me faire dire ce que je n'ai pas dit : je ne dis pas que le système par tirage au sort est PIRE que le système actuel. Je dis juste que c'est une fausse solution.

(bon après, il y a environ autant de thèses sur le tirage au sort démocratique que de thèses sur la démocratie représentative, je fais un tir groupé :p)

# - @ - Merome - 26/03/2014 à 08:41:14

Outch, que de faux arguments dans cet article ! On voit que l'auteur n'a pas cherché à approfondir le sujet et est resté à la surface : "tirage au sort = hasard".

Dans un système démocratique, ce ne sont pas les tirés au sort qui votent les lois. Ce sont TOUS les citoyens. Les tirés au sort se chargent juste de les préparer.
Il ne s'agit pas de remplacer, toutes choses égales par ailleurs, l'élection par le tirage au sort. Le tirage au sort est juste un outil indispensable à la démocratie, éventuellement en complément d'élections pour certains postes.

S'il est évident qu'une assemblée tirée au sort pourra ne pas être parfaitement représentative (cela dit elle le sera bien plus qu'une assemblée élue), nous avons la certitude mathématique que la succession des assemblées tirées au sort le sera.

Les diverses expériences de tirage au sort (parmi des volontaires ou non) semblent montrer que ça fonctionne. Il y a la fameuse expérience de Colombie Britannique pour la réécriture du code électoral, documentée entre autres par Yves Sintomer. Par ailleurs, je vous invite à visionner ces interviews :

http://merome.net/blog/index.php?post/2013/12/02/Tout-le-monde-ne-parle-que-de-%C3%A7a

# - @ - Amaterasu - 26/03/2014 à 01:01:50

Tout d'abord, merci d'avoir finalement publié ton texte. Je te lis dans l'ombre depuis pas mal de temps, via timo et sebsauvage, et j'apprécie certains de tes points de vue. Je ne les partage pas tous, bien sûr, notamment celui-ci. Passé cette pommade, j'espère que la suite ne te braquera pas, mon avis sur la question est assez tranché.

« Rappelons donc que si cette démocratie semblait fonctionner si bien, c'est entre autres parce qu'elle était basée sur l'esclavage »
Hors sujet. Est-ce que l'esclavage est indispensable à la démocratie ? Non.
D'autant plus que nous avons nos esclaves énergétiques et qu'ils ont fortement augmenté ces derniers temps. D'autre part, dans 2000 ans nous ne tuerons probablement plus d'animaux pour nous nourrir, est-ce que parce que la culture actuelle nous "impose" de manger de la viande pour se nourrir, fait que nos idées politiques sont toutes à jeter ?
Évitons ce genre d'anachronisme.

« et que la citoyenneté était refusée aux femmes et aux étrangers et qu'ainsi donc le nombre de citoyens était strictement contrôlé. »
Hors sujet. Est-ce qu'on doit avoir un contrôle complet sur le nombre de citoyens pour être en démocratie ? Non. Pas plus non plus dans un gouvernement représentatif.

« Mais surtout, ce modèle démocratique a été instauré par l'aristocratie pour limiter les volontés de la toute naissante petite bourgeoisie. »
Non. Ce modèle a été instauré pour justement se débarrasser de toute la corruption induite par l'élection et tout autre gouvernement aristocratique (type élection), due son modèle de professionnalisation de la politique. La démocratie athénienne ne s'est pas faite en un jour, la grande majorité des mandatés ont été tirés au sort, suite aux réforme de Clisthène. Mais il restait tout de même des personnes élues, notamment aux plus hauts postes (archontes), mais ceux-ci ont fini par être évincés et remplacés par des magistrats tirés au sort vers -400. La quasi totalité des magistrats était de fait tiré au sort.

« Montesquieu ... »
Tout comme Voltaire et Rousseau n'étaient probablement pas des démocrates, mais se gardaient bien de faire un mélange douteux entre oligarchie aristocratique (notre principe de gouvernement représentatif) et démocratie. C'est en cela que sa phrase est importante, mettre les mots en concordance avec leur définition et stopper ces amalgames stupides.

« Tout d'abord, symboliquement (et les symboles sont importants), ce serait abandonner l'idée de souveraineté du peuple et y mettre à la place la souveraineté du hasard. En effet, ce ne serait plus le citoyen qui déléguerait, en son âme et conscience, son pouvoir souverain à une autre personne, mais le hasard qui dirait "cette personne dirige telle autre". C'est l'essence même de l'autoritarisme. »
Non. L'idée de la démocratie est que c'est le peuple qui décide. Les personnes tirées au hasard ne font qu'exécuter les décisions du peuple. Les mandatés (magistrats à l'époque athénienne) ne sont pas des dirigeants, mais des exécutants.

« On pourrait rétorquer que ce ne serait pas pour "diriger" mais pour "représenter". »
Ce n'est pas représenter, c'est mandater pour effectuer un travail. Un exécutant.

« Or, qui mieux que la personne elle-même sait quels sont ses intérêts ? User du hasard pour dire "cette personne te représente" sans rien savoir de ce que pense réellement ledit représentant est une absurdité sans nom. »
Bla-bla-bla, ce n'est pas un représentant. Les représentants n'existent que dans les gouvernements représentatifs, c'est à dire les oligarchies.

« Peut-on dire qu'un représenté qui ne sait rien de son représentant est légitimement représenté ? »
C'est exactement le cas du gouvernement représentatif. Je ne connais même pas mon député européen, et je ne sais pas du tout ce qu'il fait en mon nom. Ceci ne pourrait jamais arriver dans une démocratie, je sais ce que je vote lors d'un referendum.

« À cela on répondra que l'idée de "représentation" de la démocratie par tirage au sort vient du fait que prendre des gens au hasard dans la population permettra de faire un "panaché" des idées de la population. »
Non. On tire au sort des personnes pour effectuer une décision que le peuple aura prise. Les idées de la personne tirée au sort n 'influent en rien sur ses actions. Elle est mandatée pour effectuer un travail. D'autre part un autre groupe tiré au sort est là pour veiller en cours et en fin de mandat que le travail a été effectué dans de bonnes conditions, et que la personne n'a pas usé de sa position pour tirer un profit quelconque.

« Absolument rien ne garantie que les différents courants de pensée, les différentes idées, etc. seront représentées dans les mêmes proportions par le hasard. »
Ce n'est pas du tout le but du dispositif.

« Car qui sera tiré au hasard ? Tout citoyen pourra être "élu" ? »
Le citoyen n'est pas élu, mais tiré au sort pour effectuer une tâche.

« Quelle légitimité a un tel système pour imposer une telle charge non-désirée à n'importe qui ? »
Les citoyens tirés au sort sont des citoyens ayant déposé leur candidature pour être à la disposition de l'état. Le citoyen se propose, rien n'est imposé.

« Là encore, faire porter une fonction avec d'aussi grandes responsabilités de manière arbitraire à quelqu'un qui ne le désire pas, c'est de l'autoritarisme. L'autre inconvénient de ce système, au delà de sa mécanique autoritaire, est qu'une personne qui ne désire pas cette charge cherchera par tous les moyens à s'en débarrasser et, inconsciemment, à la faire porter sur un autre. »
Houlala, tu t'embarques loin là.

« On se retrouvera avec pléthore de citoyens désignés qui ne chercheront qu'à prendre conseil auprès du premier venu pour expédier leur charge. Vous qui cherchiez à vous débarrasser des lobbies, c'est raté... »
La "charge" est voulue, donc le citoyen fera tout ce qu'il peut pour l'effectuer du mieux possible. D'autre part, l'idée n'est pas de se débarrasser des lobbies, mais d'avoir une pluralité des opinions. Lorsqu'un groupe de citoyens sera mandaté pour étudier la mise en place d'un nouveau texte de loi, ceux-ci devront se renseigner auprès de juristes de tout bord, d'experts de tout bord, de lobbies de tout bord, ... avant d'écrire leurs articles de loi. Ces articles seront alors soumis à référendum populaire afin de les valider ou non. Le peuple garde le pouvoir de proposer les lois et le pouvoir de voter les lois. C'est le principe du referendum d'initiative populaire poussé à son plus haut degré.

« Sauf que pour se dire ça, il faut déjà s'en penser capable. Or l'humain qui n'est pas sûr de son fait, c'est à dire qui n'a pas le niveau d'éducation/culture suffisant pour comprendre et embrasser une telle charge, aura tendance à laisser les autres faire. »
Source ?
Les politiciens actuels le font bien, des milliers de personnes se présentent aux élections. Le fait d'être mandaté pour de petits projets, de travailler en groupe, d'être soutenu quand le travail est bien fait, d'avoir foi en l'idée que l'on veut mettre en place ... tout cela facilite le volontariat.

« On ne fera donc que reproduire encore et encore le schéma oligarchique actuel, car ce système déclaratif ne mettra pas tout le monde sur un strict pied d'égalité et que seuls les cultivés actuels se présenteront, et que les chances de voir des lois mettant en place des systèmes efficaces d'éducation du peuple afin qu'il embrasse cette nouvelle citoyenneté sont encore plus infimes qu'aujourd'hui. »
Non, c'est tout l'inverse. Un ouvrier est incapable de se présenter à une élection d'envergure, faire campagne, la perte de salaire engendré, les possibles idées politiques contraires à son employeur, ne pas retrouver de boulot après son mandat ... tout cela fait que financièrement et politiquement, un citoyen issue de la classe ouvrière est dans l'incapacité de se faire élire, contrairement aux professions libérales comme médecin, avocat, ... où ces gens travaillent dans des cabinets et peuvent de fait passer leurs dossiers et clients à leurs associés, ont les ressources nécessaires pour vivre plusieurs mois sans salaire et tenir une campagne sur le long terme, etc.
Le tirage au sort n'impose pas de campagne, le citoyen est capable de planifier un mandat dans sa carrière professionnelle, et n'implique aucune opinion politique qui pourrait déplaire à l'employeur... (dans le cas où on reste dans un système capitaliste bien sûr).

« Au final, donc, la démocratie par tirage au sort ne mènera qu'à un système injuste et autoritaire, »
C'est sûr qu'avec une telle vision de la chose, aussi biaisée, on ne peut arriver qu'à une conclusion tout aussi biaisée. La démocratie par tirage au sort apporte au contraire, justice et liberté.

« Le tirage au sort ne règle en rien les problèmes profonds de la vieille démocratie. »
Ce n'est pas une vieille démocratie, c'est une oligarchie aristocratique, le gouvernement "des meilleurs" et donc de fait réservé à une petite clique de possédants.

« - mandat impératif et révocable : le peuple élit ses mandataires ("représentants") et les mandate pour une tâche précise, définie dans la durée. Ce mandat peut être révoqué par ceux qui ont élu le mandataire. »
Ce point provient justement de la démocratie athénienne par tirage au sort. Mandats courts, révocables, non cumulables, non consécutifs et commissions de contrôle en fin de mandat pour examiner le travail effectué et statuer sur les possibles prises d'intérêt.

« - mise en place de l'éducation populaire en plus des structures "traditionnelles" d'enseignement »
L'éducation populaire, monsieur, ils n'en ont pas voulu !
Franck Lepage, Inculture.
http://www.scoplepave.org/l-education-populaire-monsieur-ils-n-en-ont-pas

Un petit livre pour se renseigner sur la démocratie athénienne, les cités état italiennes, et nos gouvernements représentatifs :
http://www.amazon.fr/Principes-gouvernement-repr%C3%A9sentatif-Bernard-Manin/dp/2081286181

Sur ce, bonne nuit, ça va être dur le boulot demain. :)