Le drapeau de l'égalité
03/02/2013
Samedi 2 Février 2013, l'article 1er de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a été voté. Lorsque cet article sera promulgué, il inscrira dans la loi que "Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe". Si le combat législatif pour cette loi n'est pas encore gagné (il reste tous les autres articles, notamment relatifs à l'adoption), cette première victoire est un symbole très fort, la pierre nécessaire et primordiale pour l'égalité des droits.
Lorsque le projet de loi a été annoncé, honnêtement, je m'en foutais. L'institution du mariage n'est pas quelque chose qui me concerne ; je ne pensais pas un jour défendre cette institution bourgeoise, ni défendre un ministre d'un gouvernement socialiste, et les associations LGBT savent très bien se défendre, militer, et défendre leurs droits (si certainEs en doutaient, les derniers mois devraient largement convaincre) ; ce débat aurait donc dû être éloigné de mes préoccupations, notamment dans le contexte économique et social actuel.
C'était sans compter la réplique homophobe. Et soyons clairs une bonne fois pour toutes : refuser l'égalité des droits et/ou faire des homosexuelLEs des citoyenNEs de second rang C'EST de l'homophobie. No exception.
La réplique homophobe donc, que ce soit au nom de la "famille", de la religion ou autres conneries bourgeoises, a traversé le pays pendant des mois, et continue de le faire. Les propos violents, les menaces, les contre-vérités, l'endoctrinement, les sophismes, la violence physique, la haine qui s'affichait sans filtre à l'encontre des LGBT, faisant même montre d'une certaine fierté, étaient à vomir. Vint alors l'appel à la manifestation pour l'égalité regroupant les LGBT et les "hétéros solidaires". Dur dilemme : défendre le mariage (pour tous) ne faisait pas partie des "combats" que j'imaginais mener un jour. Et j'ai longtemps hésiter. Comme je l'ai dit, le mariage est une institution bourgeoise, et je suis plutôt pour le revoir de fond en comble (notamment la notion de "fidélité" entendue comme "exclusivité", par exemple) mais là n'était pas la question. La question était celle de l'égalité des droits, devant la succession, l'adoption, la protection de la famille, etc.
Et face à la violence homophobe qui se déchaînait, à l'appel des "hétéros solidaires", et à "mon" sens de l'égalité, j'ai manifesté. À chaque fois.
Pas pour l'institution du mariage.
Pour l'égalité de droits entre les citoyens, certes.
Mais surtout parce que dans "hétéros solidaires", il y a "solidaire". Et que voir et entendre les LGBT trainéEs dans la boue, encore considéréEs comme des sous-humains, accuséEs des pires horreurs, affiliéEs aux zoophiles, aux pédophiles et autres déviances ne devrait plus exister en 2013. Qu'en 2013, on ne devrait pas tolérer l'intolérance. Parce que les hordes homophobes qui ont défilé devraient être d'un autre âge, celui de l'obscurantisme. Que l'orientation sexuelle ne devrait pas déterminer une classe de citoyenNEs. Pour montrer que les LGBT ne sont pas seulEs à vouloir les voir jouir des mêmes droits que tout le monde. Parce que, justement, avec qui les LGBT jouissent ne détermine pas si ils et elles seront de bons parents ou non. Parce que la précarité, où qu'elle soit, et quelle qu'elle soit, n'a pas sa place dans une société juste et humaine. Pour montrer que pour chaque acte homophobe, chaque parole homophobe, des hétéros aussi se sentent blesséEs, indignéEs et révoltéEs. Pour montrer que dans leurs combats, les LGBT ne sont pas seulEs et qu'ils et elles peuvent compter, quand et s'ils et elles le désirent, sur des personnes prêtent à faire front avec elleux. Pour toutes ces raisons, et bien d'autres, j'ai manifesté à leurs côtés, à leur appel.
Et ce combat, dont une victoire primordiale a été remportée, nous aura appris, s'il y avait encore un doute, plusieurs choses lors des débats parlementaires. Parce que chaque lutte n'est supportable que si elle comporte sa dose d'humour, rions ensemble, si vous le voulez bien, de ces quelques enseignements apportés par nos chers députés :
- L'UMP, le centre et le FN ne savent pas lire un texte de loi ; s'inquiétant de la filiation alors qu'aucun article ne modifie ces dispositions, ces partis n'ont eu de cesse de rappeler ce "danger pour notre société". Legislative Wars - Épisode I : La menace vraiment fantôme.
- Les "rappels au règlement" permet à n'importe qui, n'importe comment, de dire ce qu'il pense, mais jamais concernant le "règlement", en dehors de la liste des intervenants normalement constituée. Monty Python and the Holy Grail.
- L'UMP a un problème avec la GPA, mais je n'ai pas bien compris ce qu'il était ; j'ai hâte qu'ils remettent ça pendant les discussions sur la PMA en Mars ! Las Vegas UMParano.
- L'UMP et le centre ont un sérieux problème avec la hiérarchie des normes. Ils sont persuadés qu'une circulaire peut outrepasser la Loi. Judge Dredd.
- L'UMP est un grand défenseur du droit des femmes, à entendre ses députés qui semblaient extrêmement concernés. Bon, ça aurait été mieux si ça avait été des femmes qui défendaient cette position, mais il semblerait qu'on ne puisse pas défendre le droit des femmes ET respecter la loi sur la parité. Le parrain - avec Laurent Wauquiez.
- L'UMP, le centre et le FN sont pour l'égalité des droits hein. Mais pas pour l'égalité pour l'adoption. Ni pour l'éducation des enfants par des homos, faut pas déconner non plus. Invictus.
- L'UMP considère qu'il y a d'autres priorités en cette période de crise. Ils préféreraient certainement qu'on suive leur exemple de bonne gestion de crise : mettons en place un grand débat sur "l'identité nationale" ! French History X.
- L'UMP, le centre et le FN considèrent que ce changement de société est tellement important qu'il nécessite un référendum sur la question, alors que plus de 60% des français se déclarent favorables à ce projet de Loi (86% de la "jeune génération", celle qui "héritera" de cette société). Lorsque l'UMP était au pouvoir, en revanche, la réforme des retraites, changement structurel et social majeur pour notre société, s'est passée d'un référendum pourtant réclamé par les syndicats et certains parlementaires, et la population était défavorable au projet à 60%. The Dictator.
Ce combat n'est certes pas terminé. Et il y a fort à parier que les réactions homophobes ne vont pas se calmer de sitôt. Peut-être même n'avons nous pas vu le pire. Que peut-on attendre de gens à ce point motivés par la haine ? Je ne sais pas. Certainement pire. Certainement encore plus dégueulasse, ignoble, haineux.
Dans tous les cas, en tant que citoyen, je ne suis pas prêt à laisser un seul centimètre-carré à cette haine. Que peut-on attendre de moi ? De continuer de faire bloc contre l'homophobie et toutes les autres discriminations. Pour que la seule ombre qui plane sur ce pays soit celle du drapeau de l'égalité et non celle de l'obscurantisme et de la haine.
Commentaires fermés
Flux RSS des commentaires de cet article
Les commentaires sont fermés pour cet article