Une lettre qui ne trouvera pas de destinataire. Ou alors c'est qu'on subit une attaque zombie, du coup on s'en foutra un peu de cette lettre...
[Si ça te plaît pas, tu lis pas]
Il y a des lettres qu'on aurait aimé écrire si on avait su. Mes talents n'étant pas divinatoires, je dois malheureusement me contenter du posteriori. Cet article, cette "lettre", ne trouvera donc pas les yeux pour lesquels il a été écrit ; il servira à m'alléger le cœur, probablement, à coucher les mots que j'aurai dû dire bien avant, sûrement. L'écrire publiquement, est-ce de l'exhibitionnisme ? Peut-être. J'ai beaucoup écrit, dans mon coin, sans beaucoup d'effet. J'en ai parlé, un peu. Utiliser cet espace à des fins de "thérapie", voilà un reproche qu'on a fait aux blogs depuis leur création. Quoi qu'il en soit, la voici. Je précise qu'elle n'a pas été écrite d'une seule traite, il peut donc y avoir des différences de styles ou quelques incohérences. Et je m'en fous.
Voilà pour le préambule.
Je me souviens des "à table" gueulés dans l'allée.
Des vacances à la campagne... En rase campagne... Genre en pleine forêt.
De ce livre que tu voulais écrire.
De ces livres que tu as lu ; même si je ne suis toujours pas d'accord avec ton choix de lire aussi Musso.
De ce "écoute les paroles" lorsque je suis descendu goûter, encore jeune et con (ce dernier point n'a pas changé ceci dit), et que tu écoutais Brassens ; je ne le lâche plus depuis. Par contre, désolé, mais Mylène Farmer, je ne peux toujours pas.
Des "range ta chambre" que je n'ai toujours pas écouté.
De ton intérêt toujours vif pour les choses présentes et l'avenir.
De ton taboulé, ton bœuf bourguignon, des "pâtes Urgence" etc.
Ton humour, qui portait sur tout, et aussi sur toi, à vouloir rire de tout, profiter de tout.
De ta propension à nous dire de profiter de chaque instant de la vie, lorsque tu avais un petit coup dans le nez ; j'aurai dû.
De tes "c'est ton troisième Ricard" ; de mon quatrième pas longtemps après.
De ta capacité à rassembler la famille, pour tout et n'importe quoi, à la moindre occasion.
Du dentifrice que tu m'enlevais du coin des lèvres avant de me laisser à l'école.
Du "la flotte" gueulé dans l'escalier ; mais à ce jeu, c'est papa qui gagnait en avertissant le quartier entier.
Du "mh, c'est bon" destructeur de chaises.
Des films vus 15 fois qui te semblaient toujours inédits.
De ton "je vais finir avec Alzheimer" ; du coup, les talents divinatoires c'était pas ton fort non plus.
De ton "apprends à coudre, ça plaît aux filles" ; je sais pas si ça marche, mais je suis autonome dans la réparation de mes fringues maintenant.
Et bien sûr ton parcours ; même si je n'en ai vu que ce qui représente certainement les meilleures années.
Je me rappelle de tout cela, et de bien plus encore. Et je n'en ai malheureusement plus que les souvenirs.
Alors on vit avec l'absence hein, forcément, je n'ai pas le choix de toute façon. Et je crois qu'on part toujours trop vite.
Souvent, je me demande ce que tu aurais dit de ma situation, de ce que je fais. Avant, je me demandais ce qu'aurait fait Mac Gyver ; comme quoi, les choses changent.
Je me rappelle aussi de tout ce que je n'ai pas dit, jamais dit ou jamais voulu dire. Et pourtant j'espère que tu as quand même entendu ces paroles silencieuses. Et notamment ce que j'aurai dû te dire une fois passé l'époque "petite enfance" et où pourtant je me suis tu. Ces mots qui devraient s'écrire et se dire dans des larmes de joie plutôt que dans celles de la tristesse. Ces mots que tu ne liras plus jamais, que je pose ici dans cette "bouteille à la mer" qui ne trouvera jamais son destinataire.
Je t'aime, Maman.