Abolition de l'esclavage, abolition de la peine de mort, abolition de la prostitution, abolition du féminisme ?
Le titre fait peur, n'est-ce pas ? Et pourtant, lorsqu'on voit les arguments de certains mouvements féministes auto-proclamés, c'est une question qui peut venir à l'esprit, du moins au mien. Cet article n'a pas pour but d'étaler l'intégralité de ma pensée sur la question, ni même de reprendre un à un les arguments de ces féministes contre elles/eux. L'enchaînement des arguments est thématique et n'est pas forcément un enchaînement d'implication. Il ne s'agit pas non plus d'un réel article de fond, mais plutôt une pensée qui me traverse régulièrement l'esprit et que j'avais envie de partager. Et avant d'entrer dans le vif du sujet, un dernier avertissement : l'argument ad hominem selon lequel mes organes génitaux situés à l'extérieur de mon corps me rendraient inapte à parler de la question est, de fait, irrecevable étant donné qu'il s'agit du sophisme le plus primaire.
Osons le clito ! Voilà leur mot d'ordre. Adieu vie privée, intimité et sexualité, ces féministes, messieurs, vous ordonnent de vous concentrer sur cette petite partie d'anatomie. Adieu donc caresses, tendres baisers, danses érotiques, mots doux/durs, et autres griffures, il faut tout concentrer sur le clito, cet organe, qu'on se le dise, est le seul siège du plaisir ! Bien que le corps d'une femme n'appartienne qu'à elle, il sembleraient que le clitoris soit un bouton magique permettant à l'homme de donner du plaisir à toutes les femmes quelle qu'elle soit et quels que soient ses désirs. Le principe d'égalité poussé à l'extrême absurdité. La libération sexuelle passerait donc par la norme "clitoris = orgasme". Une sorte de revendication du "droit au plaisir" pour les femmes, donc.
Ce droit au plaisir (lien pas vraiment en rapport), revendiqué à grands renforts d'affiches montrant un clitoris et ses ramifications en rouge vif, est pourtant nié aux hommes clients de prostituées, quand bien même ces dernières exprimeraient leur opposition à cette pénalisation. Pas un mot, en revanche, sur les femmes clientes qui payent pour qu'on leur titille le clitoris. C'est que ça ne doit pas exister, je suppose.
Étonnamment, cette liberté de disposer de son corps n'est pas poussée jusqu'à promouvoir la Liberté. En effet, lors des "deuxièmes rencontres d'été des Féministes en mouvements", on pouvait voir une scène étrange :
Au delà du rappel au tristement célèbre "Arbeit Macht Frei" ("Le Travail Rend Libre"), il est tout de même étonnant qu'un réseau de féministes prônant la liberté des femmes à travers le monde souhaite à ce point s’aliéner au Travail, c'est à dire la valeur dominante du modèle économique dominant. Étant salarié, je suis, comme tout autre salarié, profondément aliéné à mon entreprise et donc au système économique. Je ne vis pas cela comme une liberté, bien au contraire. Un "mal nécessaire", tout au plus. Il en va de même pour chaque salarié : le travail ne le libère en rien. L'idée qu'un mouvement féministe puisse promouvoir cette idée comme vecteur de libération de la femme a de quoi faire froid dans le dos.
Froid dans le dos, c'est aussi ce que cela me fait lorsque certaines et certains proposent la parité comme une fin en soi. Comme si l'égalité du nombre était l'aboutissement de la lutte, face à laquelle l'égalité de jugement ne serait que secondaire. Or c'est bien lorsque, dans l'esprit de tous, on arrêtera de se poser des questions différentes selon le sexe d'une personne que l'égalité entre hommes et femmes sera totale. Se poser comme unique question "'est-ce qu'on a autant d'hommes que de femmes", c'est de l'égalité de bas étage. La parité est, peut-être, un moyen nécessaire pour arriver à l'égalité de jugement, mais ce n'est en rien une fin en soi. De plus, la parité engendre de la "discrimination positive", or toute discrimination est une inégalité et une inégalité, ce n'est pas du progrès.
Ainsi donc, l'image véhiculée par ces féministes, leur absence de volonté de réellement débattre, leurs manières totalitaires, opportunistes, intrusives voire violentes, et leur positions moralistes voire puritaines ne semblent donc pas servir "la cause", qu'elles veulent défendre au mépris des rapports de l'OMS et de toutes les ligues de défense des droits de l'Homme. En effet, si la lutte féministe est nécessaire, au même titre que la lutte contre toutes les inégalités, elle n'est cependant pas servie par les meilleurs agents qui soient pour le moment. Les féministes auto-proclamés qu'on voit à la télé, qu'on entend à la radio, qu'on peut lire ça et là sur Internet, en première page des "journaux sérieux", ces féministes qui ont l'oreille des politiques, desservent la lutte pour l'égalité et la liberté des femmes.
Aussi étrange que cela puisse paraître, donc, ces femmes (et hommes, il y en a dans le lot hein) desservent leur propre cause. L'absurdité et l'absence de Raison de tels mouvements est hautement préjudiciable à la réelle avancée sociale de la lutte féministe. On est bien loin des suffragettes, qui servirent ce combat avec un buzz bien plus efficace et marquant que ceux que tentent d'organiser ces féministes auto-proclamées en mal de reconnaissance, entraînant tout le monde dans leur pathos plutôt que de tenter d'élever le monde à la Raison.
Bien heureusement, ces féministes ne représentent pas l'ensemble du mouvement, et encore heureux ! Beaucoup, hommes comme femmes, savent servir ce juste combat de manière efficace. Pour n'en citer qu'une poignée, Virginie Despentes, Gayle S. Rubin, Judy Minx (blog NSFW), Wendy Delorme , etc. En clair, principalement les courants queer, du féminisme pro-sexe et du féminisme postmoderne. Malheureusement, en général privées d'un accès facile aux grands médias, leur voix peine à se faire entendre.
Faut-il donc pour autant abolir le féminisme ? Pas tant que le combat ne sera pas gagné (et même après hein, faudrait pas que ça recommence...). En revanche, je suis tout à fait de l'avis d'abolir toutes ces organisations qui n'existent que pour continuer d'exister, polluant et ralentissant ainsi le chemin vers l'égalité et la liberté de tous les êtres humains.