Bah c'est pas incompatible ce que je dis. Ce qui est nouveau, c'est la perspective que j'y vois ;)
Nuit Debout ne mènera à rien en tant que tel. Pour autant, ça ne veut pas dire que ça ne servira à rien. Ça n'est pas un autre #occupy, c'est quelque chose d'autre.
On peut bien évidemment prendre des décisions à plus de 1000, à l'échelle de centaine de milliers ou de millions. Ça, c'est une question de structure.
Le travers que tu cites, c'est une question d'éducation. La majorité ne décide pas de ce qui est vrai, elle décide de ce qu'elle veut faire. Ça n'en fait pas une vérité, ça ne veut pas dire qu'ils ont raison, ça veut dire qu'ils ont décidé de ce qu'ils veulent faire devenir réalité. C'est une différence fondamentale. Si tu demandes à une classe de maternelle combien font 2+2 et que la réponse majoritaire est 5, ça ne veut pas dire que les mathématiques ont tout faux : ça n'est pas une question à débattre, mais une question qui doit être répondue avec des qualifications précises (vérifiables, reproductibles, etc. selon une méthode scientifique, d'où la nécessité d'une conscience scientifique (et historique)). Maintenant, si tu demandes à cette même classe s'ils veulent de la purée ou du riz à la cantine, et que ce plat sera choisit à la majorité, et que la purée l'emporte, ça ne veut pas dire que le riz est un mauvais choix ou que choisir le riz c'est avoir tort. C'est que la majorité aura décidé de la direction à emprunter. Savoir faire la différence entre "on a voté" et "on a raison", c'est une question de conscience politique. C'est un travers très dur à corriger, mais ça se fait.
En l'espèce, le gouvernement etc. n'ont pas "tort" en soi. Ils mènent juste une politique dont les intérêts ne correspondent pas à l'intérêt du bien commun ou aux intérêts de la majorité de la population. C'est un problème.
Là où le mouvement Nuit Debout a "tort" quelque part (ou nécessite plus de moyens, ou d'organisation, que sais-je), c'est dans cette volonté de ne faire que du physique, justement, c'est à dire continuer de penser comme dans l'ancien monde sur ce plan. En ne demandant que du physique (et en utilisant le numérique que comme moyen de diffusion mais pas de collaboration), il se coupe justement de toute une partie de la population qui est vaguement intéressée mais ne veut/peut pas faire le déplacement.
Et en vouloir aux gens de ne pas vouloir se déplacer (on va considérer que ceux qui ne peuvent pas ont une raison que tout le monde considère comme légitime, même les personnes à forte déficience empathique), c'est à mon sens une erreur, là où justement une grande partie de la population a l'habitude qu'on lui facilite la vie et la communication. C'est dans ce sens que ça va, et penser que, parce que le "mouvement est beau et grand et machin", tous les gens intéressés vont faire l'effort du déplacement est une connerie.
J'y suis allé 3 fois, et franchement c'est sympa hein, mais j'ai vraiment pas l'impression que ma présence était super utile. J'aurai très bien pu suivre ça de chez moi, tchater par écrit sur un chat commun, et faire autre chose à côté (chercher des références, vérifier des propos, etc.). Le déplacement physique n'apporte pas vraiment de plus-value si ce n'est discuter avec des inconnus (ce qui est bien hein, mais ça je le fais déjà en manif par exemple :p). Cette volonté de mettre de côté le numérique plutôt que de l'utiliser pour être plus inclusif est à mon sens une erreur.
Et l'autre erreur fondamentale est de permettre la consommation d'alcool au moment des débats. La réflexion n'est jamais facilitée par l'alcool. Boire après, oui, mais avant et pendant, non.
Beaucoup de monde s'interroge sur le sens à donner au mouvement Nuit Debout, à ce qu'il signifie, ce qu'il peut faire, etc.
J'en ai déjà parlé (http://www.mypersonnaldata.eu/shaarli/?Nco0oA) et la conclusion pour moi reste la même. Nuit Debout ne changera rien dans l'immédiat. Mais c'est une étape. Une étape importante. Un truc encore tout mouillé, plein de problèmes, qui révèle l'ampleur du travail restant à effectuer.
Mais qu'est-ce que c'est, dans quel grand ensemble ça s'inscrit ? Est-ce simplement un autre #occupy ?
J'étais, au départ, enclin à le penser, un peu désabusé et lassé de toute cette mouvance "citoyenne apolitique". Et puis en fait, non.
Nuit Debout, ça me rappelle quand même furieusement les conférences de Benjamin Bayart sur la capacité révolutionnaire d'Internet (genre https://www.youtube.com/watch?v=yBmz29_5ffA et https://www.youtube.com/watch?v=JvvGZxjNHiw). Est-ce que ça fait de Nuit Debout un mouvement révolutionnaire ? Évidemment non, on ne fait pas la révolution en AG. Disons que ça se rapproche d'un prototype. Un prototype avec des tonnes de problèmes, mais qui prend conscience de ces problèmes et cherche (peut-être maladroitement) à les résoudre.
Nuit Debout, c'est la première (une des premières, soyons larges) application dans le monde physique de ce que permet Internet : des gens discutent entre égaux, de problèmes qui les touchent, et tentent de les régler ensemble. Ils communiquent ensemble. Ils apprennent ensemble (les décisions qui sont prises aujourd'hui sont plus "mûres" et moins apolitiques qu'au début). Ils agissent ensemble.
C'est maladroit, c'est extrêmement loin d'être parfait, c'est encore trop excluant, etc. Mais Rome ne s'est pas faite en un jour, et le succès est avant tout une succession d'échecs dont on a tiré les enseignements.
Et c'est pour ça que les médias, le gouvernement, etc. (et même "l'odieux connard" dont j'ai vu la prose merdique circuler ces derniers temps) n'arrivent ni à décrire ni à comprendre ce mouvement. Jamais l'ancien monde mourant n'a été capable de décrire le nouveau naissant autrement que dans des termes obsolètes ou insultants.
Nuit Debout, c'est le premier prototype du monde de demain, la manifestation physique de la révolution apportée par Internet. Peut-être qu'il ne restera rien des décisions et actes effectués lors de Nuit Debout dans ce nouveau monde, qu'il ne subsistera que cette conception horizontale et égalitaire. Certainement que "l'An 1" de ce nouveau monde ne sera pas Nuit Debout mais un événement plus tardif. Peut-être que toute l'ardeur mise aujourd'hui dans ce mouvement ne mènera qu'à un truc pas viable. Et on apprendra. Et on corrigera. Et on le refera jusqu'à ce que ça marche. Parce que ça marchera.
"Sous les applaudissements de l’assemblée, ils ont aussi menacé ces groupes féministes de création de groupes masculins non-mixte.
Les militantes féministes se sont alors retrouvées isolées, prises à partie et non soutenues par l’assemblée de NuitDebout invalidant de fait et de manière violente leurs revendications."
"Sous les applaudissements de l’assemblée, ils ont aussi menacé ces groupes féministes de création de groupes masculins non-mixte."
"Sous les applaudissements de l’assemblée"
Voilà voilà...
Si vous êtes vers Lyon et que vous voulez aider, n'hésitez pas.
Pour ma part, ça démontre totalement ce que je pense de NuitDebout. En substance :
Et là, je parle uniquement des éléments très concrets. Je ne parle pas du fait qu'il est absurde de penser qu'on fait la révolution en AG, ou même qu'on décrète la révolution. Je ne parle pas du fait de penser qu'on peut faire un mouvement politique en se prétendant apolitique ou en faisant une "synthèse neutre" des idées (idées évidemment décontextualisées, mais seulement quand elles viennent d'un facho, parce que quand c'est un syndicaliste ou un anar' qui parle, attention houlala faut pas oublier qui parle hein), etc.
Alors, évidemment, ça a quelque chose de beau, de voir des gens se mobiliser, bouger, essayer de faire quelque chose, je dis pas le contraire. Ça montre qu'il y a quelque chose, des gens qui ne veulent pas se laisser faire, et qui sont capables de réfléchir ensemble, même si c'est sur des bases totalement idiotes (apolitisme, neutralité, synthèse, etc.) et qu'il faut donc tout revoir. Ça suscite l'espoir. Ça montre aussi l'ampleur du travail qu'il reste à effectuer. Mais ça a tout de même un gros côté "#occupy" et ça aboutira à la même chose : rien.
On n'arrivera à rien tant qu'on se dira qu'on peut construire une société apolitique. On n'arrivera à rien tant qu'on considérera qu'une oppression, c'est quand c'est visible. On n'arrivera à rien tant qu'on se dira qu'on peut faire la révolution sans défendre une idéologie, et que les idéologies, c'est mal. On n'arrivera à rien tant qu'on se dira qu'une révolution, ça se fait en AG. On n'arrivera à rien tant qu'on continuera de croire la pensée prémâchée et prédigérée par les dominants comme quoi les mouvements non-violents sont ceux qui réussissent et qui obtiennent des avancées. On n'arrivera à rien tant qu'on continuera de penser qu'une idée, ça peut être indépendant du contexte. On n'arrivera à rien tant qu'on continuera de vouloir se trouver des chefs et des maîtres à penser.
Alors ouais, NuitDebout, c'est joli, c'est mignon, mais ça débouchera sur rien. Ça peut sembler super violent ce que je suis en train de dire, mais, à mon sens, il est plus préjudiciable de porter de grands espoirs dans ce mouvement plutôt que de voir les choses en face. Parce que la personne qui, pour la première fois peut-être, se dit "ouais, là ça va bouger, ça va changer des choses" et qui se retrouvera le bec dans l'eau, bah je comprendrais qu'elle soit plus réticente à s'engager par la suite. Et c'est là tout le danger.
NuitDebout, c'est une démonstration d'un quelque chose à concrétiser. Mais c'est énormément de défauts à corriger. Il y a énormément de boulot, fondamentalement politique, à accomplir. Je pense qu'on peut le faire.
OK, j'ai "un peu" digressé, mais comme j'avais pas encore parlé de NuitDebout... C'est fait. Enfin, "c'est fait"... Il y aurait tellement plus à dire, mais le principal est abordé (bien que ce qui n'est pas abordé ne veut pas dire que ce n'est pas important hein ^^).