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Votre corps vous appartient-il ?

Wed, 03 Sep 2014 10:24:28 +0000 - (source)

Parfois, au détour d’un fait divers, France Info se trouve un invité pour en parler à l’antenne et qui soulève d’intéressantes questions. S’il y a une question qui me travaille depuis, c’est celle de la propriété de votre corps et de ses produits.

Le corps: propriété versus disponibilité

Généralement on utilise la sémantique de la disponibilité: « vous disposez de votre propre corps ». Cette forme sous-entend que votre corps est mis à votre disposition, qu’il vous est en quelque sorte prêté, mais qu’il reste la propriété de quelqu’un ou de quelque chose d’autre. On peut plus facilement comprendre en observant à travers le prisme de la religion: LE ou UN dieu, dans son infinie bienveillance, a accordé le droit à vos parents de vous mettre au monde, vous constituant à son image et dont votre âme sera jugée pour aller au paradis ou en enfer une fois que vous serez séparé de votre corps (= mort). Seule l’âme est votre, en fait l’âme c’est vous, le corps, lui, n’accède pas au paradis ou à l’enfer. On retrouve ce dicton: « de poussière ton corps redeviendra poussière ». La religion se donnant comme mission d’expliquer l’inexplicable (genre la raison de notre existence), le rapport au corps n’est pas individuel mais collectif et organisé par un/des être·s suprême·s. S’il fallait trouver une raison à cela, je dirais que les dieux sont des trolls qui aiment s’occuper de leurs « oasis de vie perdues dans l’un des univers immenses » comme un enfant aime observer une fourmilière. Mais comme je considère la religion comme une invention humaine (un trait qu’homo sapiens a en commun avec homo neanderthalensis comme on a pu le démontrer récemment)…

Il est cependant impossible de totalement dissocier l’esprit législatif français des siècles de catholicisme et ses bases issues du droit romain notamment au sujet de la famille. Or en droit romain un individu d’une famille n’a que peu d’indépendance vis-à-vis du sommet pyramidal, le pater familias (père de famille). L’organisation politique romaine était assez proche d’une gérontocratie, et dont on trouve les vestiges dans l’institution républicaine directement inspirée de cette époque: le Sénat. Selon les chiffres fournis par le Sénat français lui-même, la moyenne d’age est de 65 ans, la tranche 61-70 ans approchant de 50% des effectifs. Si cela ne laisse pas présager d’initiatives novatrices dans la législation française (si déjà à l’Assemblée Nationale c’est pas brillant), .. bah c’est pas près de changer. Je m’égare ? Je m’égare. En résumé, la loi française décrit que votre corps ne vous appartient pas, qu’il vous est juste mis à disposition par.. la Société. Non vous n’êtes pas propriété de l’Etat, c’est plus.. capillotracté que cela. La Société est une sorte de personne morale dont l’objet est conditionnée par la loi, loi censée exprimer la morale de cette Société. « Censée » parce qu’on observe un poids supérieur des lobbies d’intérêt privé face à l’intérêt général, par exemple Hadopi. Ça ne saurait être vrai que dans une vraie démocratie directe, comme vous savez.

Vous n’êtes pas libre de votre corps

On définit généralement la liberté par le pouvoir non restreint par l’interdit, son étendue s’arrêtant là où commence celle d’autrui. Votre liberté de disposer de votre corps est donc limitée par ce qui est interdit d’en faire et votre liberté s’arrête là où commence celle de la Société. Et si vous fautez gravement, la Société a le droit de confiner votre corps (prison), et, dans les cas extrêmes, de reprendre disposition de votre corps (un autre point de vue c’est celui de vous « ôter la vie » -d’un corps qui vous appartient pas-, les techniciens habilités à cet acte étant généralement les groupements d’intervention de la police ou gendarmerie ainsi que l’armée).

J’aimerais pouvoir confirmer le slogan « mon corps m’appartient », or en réalité vous ne faites qu’en disposer, selon les modalités définies par la Société via la loi. Par exemple la loi stipule qu’une femme ne peut disposer de son propre utérus pour réaliser la gestation pour de tierces personnes (c’est le point central de la Gestation Pour Autrui). Similairement, il vous est interdit de mettre en vente vos organes, votre sang, même vos cheveux. Cela ne peut être qu’un don (par exemple faire don d’un rein).

Bien sûr cela ne veut pas dire qu’il est interdit de monétiser le fruit de votre corps, mais cela est strictement encadré par la loi. Exemples: le résultat de vos opérations neuronales (travail intellectuel), le résultat de vos contractions musculaires (travail physique). La loi a un gros texte à ce sujet: le Code du Travail, dont l’essentiel est au sujet de la disponibilité des produits de votre corps envers un tiers, qu’est l’entreprise. Va t-on aborder la question de la prostitution ? Puisqu’on dispose de son corps et que la loi fixe des conditions précises, on peut tout à fait se prostituer, qui relève alors d’un travail physique. Mais si la Société et la loi disent que c’est « dégradant », « immoral », que « le sexe c’est que dans les couples mariés » ou peu importe les arguments, vous ne pouvez rien faire. Votre corps vous appartient pas.

Résiliation de la disposition de son corps

Vous pensez tout de suite que j’ai voulu dire « suicide » au lieu de ce sous-titre pompeux, mais je veux un cadre plus général pour prendre en compte d’autres aspects. Mais commençons par le suicide.

La loi française actuelle n’interdit pas le suicide. Ou plutôt, elle ne l’interdit plus depuis 1810. Ce que ça veut dire implicitement c’est que la loi et la Société vous donnent le droit de résilier la disposition de votre corps, si cependant c’est avec préavis, la loi et la Société tâcheront de vous garder dans leur base clients de vous faire changer d’avis. Mais puisque votre corps ne vous appartient pas, votre corps peut être amené à être hospitalisé d’office, sans votre consentement (évidemment) et sur décision du préfet, entité étatique souveraine à l’échelle locale appliquant l’expression de la morale de la société qu’est la loi. Oui c’est bien ficelé. Si un maire a pas envie de marier deux personnes ou d’ouvrir l’école le mercredi, le préfet peut (et va) l’y forcer, sanctions à la clé. L’hospitalisation d’office est un pouvoir immense quand on y pense: le préfet a le pouvoir de vous déclarer mentalement handicapé et vous ôter aussi sec toutes vos libertés. On notera avec intérêt que l’envie de suicide est considéré comme un trouble mental destiné à être soigné par hospitalisation, au moyen si nécessaire de médicaments psychotropes.

Si j’ai choisi ce sous-titre, c’est pour prendre en compte cette situation: vous êtes dans un état de coma profond, votre encéphalogramme est plat (= plus d’activité neuronale), tous les stimuli sont sans effet (eau dans les oreilles, mouvements oculaires, pression sur les ongles, …) le fonctionnement de vos organes vitaux (cœur, poumons, reins…) est entièrement assuré par des machines, votre état n’a pas évolué au fil des mois, vous n’avez évidemment plus la possibilité de vous exprimer car vous êtes en état de mort cérébrale, votre corps n’étant plus qu’une « coquille vide ». Vous n’avez plus la faculté de vous suicider, vous dépendez donc d’un tiers pour résilier la disposition de votre corps. Autant on ne fait pas trop de chichis pour abattre un terroriste, mais pour l’euthanasie… La Société ne peut seule vous retirer la disposition de votre corps, sans le consentement de votre.. famille. On retrouve un peu de droit romain là non ? 🙂  En l’état actuel de la science, je suis d’avis que l’euthanasie sans avis de la famille doit être applicable, à effet immédiat en cas de mort cérébrale si spécifié dans le testament, à l’issue d’un délai défini à défaut, après quoi je proposerais une cryogénisation en vue d’une possible réanimation dans un futur plus ou moins lointain, si on trouve comment réactiver le flux neuronal. Sauf avis contraire de la personne, de son vivant.

L’individu, la Société ou la Robotique ?

La question de la disposition du corps a réveillé une profonde réflexion me concernant. Je suis fondamentalement en faveur des libertés individuelles, ces libertés s’étendant à la propriété de son propre corps. Ça m’est relativement facile vu que je ne crois pas aux divinités et que je considère la Société comme étant illusoire, avec une parole législative biaisée en faveur des nantis. Mais dans la meilleure situation, quel serait le lien entre la loi, l’humanité et chaque individu ? La loi actuelle est déjà un tel empilement d’interdits et de conditions que l’on doit faire appel à des experts (les avocats) pour défendre ses intérêts. D’un autre côté, l’absence de loi nécessiterait que les humains s’auto-régulent pour équilibrer leurs rapports, ce qui me semble pas possible actuellement. Et si tout est robotisé dans le futur, comme je l’espère ? Considérons les lois de la robotique selon Asimov:

À partir de la, pourrait-on définir une « super-loi » concernant les humains, qui stipulerait: « il est interdit de faire ce qu’un robot ne pourrait faire selon les lois de la robotique » ?

J’hésite sur le modèle de cette société. Chaque humain serait propriétaire de son corps ? Ou chaque corps serait propriété de la Robotique dont incomberait la régulation de l’humanité et toutes les autres espèces vivantes sur Terre ? Qui des humains ou des robots serait subordonné à l’autre ? Faut-il une subordination ?

Vu qu’on touche là au plus intime de nos sociétés, j’ai pas fini de me faire des nœuds dans le cerveau…


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