Un article à propos de l'UPR et, plus généralement, de la dépolitisation de la politique. C'est un peu long, mais très bon et bien structuré (ça se lit tout seul).
"Un bon dirigeant libéral possède donc deux qualités : le courage de prendre les mesures nécessaires d’appauvrissement des plus modestes et l’audace de donner de colossales sommes d’argent aux plus riches."
"L’UPR nous annonce que nous ne sommes pas en démocratie, certes, mais il faut y voir là une bonne nouvelle : Asselineau s’adresse à des non-citoyens, convaincus de leur impuissance politique. Et en nommant le mal, il nomme aussi le remède. Nous ne sommes pas en démocratie, non pas parce que la démocratie est une pratique compliquée, qui demande une remise en question permanente de la forme des institutions et des pratiques politiques, ni parce que le capitalisme est par essence antidémocratique, non, nous ne sommes pas en démocratie car de vilains maîtres nous en empêchent, et il suffirait de s’en débarrasser pour qu’un nouvel horizon s’offre à nous."
"Le message de l’UPR répond ainsi à un désir apocalyptique, un désir de « fin de cycle », le même désir de remise à plat des institutions et des rôles sociaux qui saisit les sociétés « entièrement saturées par l’idéologie et la morale bourgeoise », pour reprendre les mots d’Hannah Arendt, qui identifie dans Le système totalitaire une même pulsion nihiliste dans les sociétés d’avant la Première, puis la Seconde Guerre Mondiale.
Une pulsion qui part des contradictions et des hypocrisies de la domination bourgeoise, de sa prétention à la respectabilité qui cache la misère et les souffrances qu’elle provoque. Une pulsion qui part du constat désabusé de la rigidité des rapports et des rôles sociaux, qui amène à rêver d’une Apocalyse, c’est-à-dire d’une révélation et d’une remise à zéro des compteurs : le monde enfin révélé pour le mensonge qu’il est, nous créerions de nouveau une société meilleure, dans laquelle tout serait possible.
Ce désir apocalyptique se manifeste dans la culture populaire (dans la fascination pour l’apocalypse zombie) mais il se traduit également en politique, à des degrés et des modes d’expression divers."
"Pourtant, comme pour un Donald Trump qui promettait de « Make America Great Again », la proposition de changement d’Asselineau se situe dans un retour à un passé mythifié : c’est la France du Général de Gaulle, celle d’avant le plan Marshall et la construction européenne, que nous promet Asselineau. Outre les symboles dans la communication, l’énarque prend souvent l’image du Général pour justifier ses choix politiques"
"Les esprits chagrins remarqueront que cette France-là n’était pas non plus un modèle en terme de démocratie, avec ses sous-citoyens algériens, sa censure directe des médias par le gouvernement et sa milice politique non-officielle, le Service d’Action Civique, plus ou moins intégrée dans l’appareil d’état et qui commettait braquages, attentats et assassinats. Mais peu importe, car l’on y payait en francs français, et nous étions donc, pour Asselineau, dans une démocratie."
"Autre conséquence de ce rejet de la politique et de cette posture messianique : l’absence de démocratie interne à l’UPR. Car la démocratie interne, l’existence de différents courants, la confrontation des points de vue, n’est plus vu comme le signe de la bonne santé d’un parti politique, mais au contraire de sa déliquescence dans les petits calculs minables.
Là encore, cette tendance se retrouve ailleurs qu’à l’UPR : En Marche et la France Insoumise revendiquent d’être cette forme de « mouvements » qui, à l’inverse des vieux partis de l’ancien temps, laissent d’autant plus de liberté à leurs membres dans leurs modes de communication qu’ils n’ont que peu de poids décisionnel (ou, peut-être, qui assument juste leur absence de démocratie interne, par opposition aux partis à l’ancienne mode dont la pratique démocratique est souvent défaillante, ramenée à des jeux de chaises musicales et des élections souvent truquées)."
"Nous pourrions tirer les même leçons en observant les Gentils Virus d’Etienne Chouard, un autre groupe de militants très actifs sur Internet, qui utilisent les mêmes méthodes que l’UPR, mais pour défendre, en lieu et place de la sortie de l’Union Européenne, le remplacement de la Constitution par une autre « écrite par les gens eux-mêmes » (quoi que ça veuille dire en pratique), la fin des élections et l’avènement du tirage au sort en politique."
"Chez les Gentils Virus, la même idée qu’il s’agit d’affronter « la cause de toutes les causes » et que, tant que la Constitution n’aura pas été changée, il ne sert pas à grand-chose de faire de la politique ; la même attraction auprès des gens de gauche, la même proximité avec l’extrême-droite (Usul s’y était fait prendre avant de se rétracter). Mais, contrairement à l’UPR, les Gentils Virus portent dans leur nom leur condition de non-militant, leur unique rôle, leur unique objectif étant l’auto-réplication."
"En définitive, si les militants de l’UPR sont moqués et comparés à des Témoins de Jéhovah, c’est qu’ils en sont effectivement l’équivalent politique. Le plus triste, dans tout ça, c’est qu’ils sont nombreux à penser militer alors qu’ils ne sont, en réalité, que les VRPs bénévoles d’un énarque autocrate."