"Surtout, le DSM apparaît comme un moyen de faire rentrer dans la norme ceux qui seraient jugés « déviants » – une part de plus en plus grande de la population. Ces « mal ajustés » de notre société orientée vers la rentabilité économique, où l’individu se doit d’être performant et adaptable. Enquête sur un processus de normalisation qui, sous couvert de médicalisation, façonne les individus."
"Avec ses critères toujours plus larges et ses seuils toujours plus bas, le DSM fabriquerait des maladies mentales et pousserait à la consommation de psychotropes, estiment ses détracteurs."
"Les critiques du DSM mettent en avant la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques. [...] Et ont noué à partir des années 80 des liens étroits avec les psychiatres influents, à commencer par les rédacteurs du DSM : 70% des auteurs ont ainsi déclaré avoir des rapports financiers avec les labos [2]. Les ventes d’antidépresseurs et de neuroleptiques aux États-Unis représentent 24 milliards de dollars. [...] Avant d’être un outil de diagnostic de maladies mentales, le DSM ne serait-il pas plutôt un dispositif de normalisation des conduites, dans une société orientée vers la rentabilité économique ?"
"Se contenter d’observer les comportements pour établir un diagnostic permet d’échapper aux biais culturels, moraux ou théoriques des différents cliniciens. Mais cette standardisation se fait au prix d’une grande simplification de la complexité des problèmes rencontrés en psychiatrie."
"Un comportement qui doit avant tout être conforme à la norme. « Il n’est pas anodin que le DSM n’emploie pas le mot "maladie", qui renvoie à la souffrance ou à la plainte émanant du patient, mais le mot "trouble", qui est la mesure extérieure d’une déviation de la norme, souligne le psychiatre. Le trouble, c’est ce qui gêne, ce qui dérange »."
"Sa référence devient la norme sociale. Avec ce paradoxe : la psychiatrie exerce son pouvoir médical non plus sur la maladie, mais sur l’anormal."
"Et des « paraphilies » (pour ne pas dire « perversions »), telles que le masochisme et le fétichisme, demeurent dans la catégorie des « troubles sexuels », témoignant de la culture puritaine américaine dans laquelle baignent les auteurs, et à laquelle la population est invitée à se conformer."
"Le DSM non seulement reflète les normes sociales du moment, mais les renforce en les transformant en normes médicales."
Finalement, pas besoin de créer de dystopie...
"L’individu doit « fonctionner » correctement dans l’entité qui le subordonne : l’entreprise, l‘école, la société. C’est cela que l’Échelle d’évaluation globale du fonctionnement (EGF) du DSM-4 (datant de 1994) se propose de mesurer. Êtes-vous au « top » de votre « fonctionnement social, professionnel ou scolaire ». Ou celui-ci subit-il une « altération importante » ou « légère » ?"
"Autrement dit, « être capable de s’adapter aux contraintes sans jamais questionner le bien-fondé ou la justice de la situation, voilà ce qui est attendu de quelqu’un de "normal", résume Olivier Labouret. Le DSM reflète l’idéal transhumaniste de l’homme que l’on peut programmer et améliorer pour qu’il soit compétitif sur le marché du travail »."