Je pense qu'il faudrait vraiment qu'on se penche sur les conditions de travail de ces personnes.
Déjà, les centres d'appels, on le sait, ça broie de l'humain. C'est fait pour. Mais quand il s'agit de services vitaux, ça pose quand même de gros problèmes... dont ce drame.
Je ne connais pas l'opératrice en question, peut-être est-ce vraiment une personne horrible dans la vie, personne n'en sait rien. Ce que je vois, c'est qu'à mesure qu'on tire le fil, on se rend compte que, oui, il y a une faute lourde de l'opératrice, mais que ce qu'elle fait, c'est à la fin d'une chaîne qui fait défaut : les pompiers passent l'appel avec déjà un jugement, sur des systèmes informatiques incompatibles et donc une procédure qui échoue à passer l'appel au médecin urgentiste, troisième maillon de la chaîne qui aurait peut-être pu changer ce drame.
Ce n'est pas juste la faille d'une seule personne, ce genre de système est fait JUSTEMENT pour qu'une seule personne ne puisse pas le mettre en défaut.
Il y a un manque criant de moyens depuis des années partout dans le domaine de la santé. Se focaliser sur les conneries d'une personne empêche de le voir. La brûler sur la place publique n'améliorera pas les choses. Ça soulagera les personnes qui veulent juste avoir bonne conscience, mais ça ne changera rien à la situation.
Pour finir, vous savez à quoi ça me fait penser, moi, sa réaction à l'opératrice, pour l'avoir vu trop de fois ? À une salariée qui n'en peut plus des conditions dans lesquelles elle exerce son métier. C'est la réaction, profondément humaine n'en déplaise à certain⋅e⋅s, de quelqu'un dont le cerveau n'arrive plus à suivre, c'est un mécanisme de défense, de prise de distance par rapport à son environnement.
Cette opératrice, cet événement tragique, c'est l'exemple concret de la destruction organisée de notre système de santé, c'est le résultat de dizaines d'années de détricotages de notre service publique par des politiques qui veulent le privatiser, à coups de "réformes pour que ça marche mieux". Vous avez vraiment l'impression que ça marche mieux, là ?
Il faut une ou plusieurs semaines pour avoir rendez-vous avec sa/son toubib, qui elle/lui même croule sous le boulot (qu'il soit médical ou administratif), et donc on a un déplacement des consultations vers les services d'urgence (urgences à l'hôpital, SAMU, etc.) dont on n'augmente pas les moyens ni les effectifs et qui doivent donc gérer comme ils peuvent de plus en plus d'appel, pour beaucoup injustifiés mais qu'il faut quand même qualifier. Rajoutez à ça la surcharge des fêtes de fin d'année (parce que l'appel date du 29 Décembre hein) et vous avez là le cocktail parfait pour des situations catastrophiques du même calibre. Les témoignages de personnes qu'on peut voir fleurir suite à ce drame en sont bien la preuve.
Vous voulez la justice pour Naomi Musenga ? Sauvez le service publique de santé, soutenez le personnel médical en grève. Si vraiment vous désirez que les choses changent plutôt que simplement soulager votre conscience avec un élan de vengeance, posez un jour de congé pour aller manifester avec les personnes qui défendent le service publique. Syndiquez vous, même tiens, pourquoi pas ?
Sinon, votre indignation ne vaut rien.